Soumise

Les plafonds sont hauts comme tout, les murs sont d’un vieux blanc, gris, crème, beige, couleur de crépi défraichi, les fenêtres de bois laissent entrer l’air d’hiver qui vole son temps au printemps. Je n’ai pas eu l’occasion de faire le tour pour valider l’impression, mais déjà on ressent l’esprit de liberté qui habite la vieille bâtisse.

La table chambranle chaque fois que l’un pose un coude plus fort qu’un autre. Elle est imparfaite et tracée par le temps, pleine de marques et de traces de vie. J’avale une gorgée de mon verre aussi sucré que pas assez alcoolisé et je le repose sur la vieille table. Je me demande combien d’entre eux on jouit juste ici, la sueur et l’excitation coulant sur le bois magané. Comment ça fonctionne leurs vies? Ils sont là, assis ensemble à manger leurs œufs le matin, mais il y a deux ou trois retardataires qui tardent à joindre le groupe parce qu’ils sont en train de s’enfiler dans la salle de bain. Qui dort avec qui d’ailleurs? Est-ce qu’il y a un genre de chef de meute ou une forme de hiérarchie? Je me demande qui détermine qui va dans le lit de qui. Qui est l’alpha? Est-ce que c’est un homme? Peut-être pas en fait, j’espère que c’est une femme. J’aimerais bien que ce soit une femme. Si j’habitais ici, je voudrais le trône.

(Maxime) Alexine La Lune Quinn, ça va dans ton monde?

(Alexine) Quoi?

(M) Tu joues?

(A) Ouin, non… quoi?

(Jade) Je disais à Roxanne que j’étais la plus sage du groupe.

(Roxanne) Et moi, je pense que les plus muettes sont les plus perverses.

(M) Alors, j’ai eu la merveilleuse idée de proposer une partie de Je n’ai jamais… pour documenter l’argumentaire.

(A)  C’est mature ça.

(Mari de Jade) Je ne dirais pas cela. Mais ça risque d’être amusant.

Je ne sais pas trop ce qu’il fait ici en fait, avant il ne se pointait jamais dans nos rassemblements. Je n’ai l’ai pas revu depuis la fois du spa cet été en fait. Peut-être qu’il a oublié, peut-être qu’il était plus saoul qu’il en avait l’air, peut-être qu’il n’y a plus jamais repensé. Après tout, je n’ai été qu’une main, qu’on outil, qu’un instrument à plaire son ego. Je suis oubliable.

Je ne sais pas exactement si je cherche à me convaincre ou à me déculpabiliser, mais le petit coin gauche de ses lèvres qui pointent en l’air m’empêche délibérément de croire à mon propre théâtre. S’il n’a pas oublié, alors qu’est-ce qu’il fait ici, assis entre elle et moi. Est-ce qu’il espère un plan à trois? Est-ce qu’il nous a déjà imaginées ensemble sur lui? Est-ce que les hommes s’imaginent baiser la femme et la maitresse du même élan? Sans doute, hein. Moi je le ferais, du moins mon ego le ferait. Il s’emballerait. Je me demande si Jade s’en ai douté. Je me demande s’il a laissé paraitre. Les hommes sont si mauvais joueurs là-dessus.

Le gars que je présume être le copain de Roxanne revient à la table avec une bouteille et une série de verres à shots.

(Présumé copain) Maxime, à toi l’honneur !

Il coule la tequila dans chacun de nos verres tandis qu’elle cherche l’inspiration pour lancer le jeu.

(Gaëlle) Pas évident de trouver un truc salace que tu n’aies jamais fait Max!

(M) Ma bucket list est loin d’être complète!
Je sais : je n’ai jamais eu de relation sexuelle avec Gaëlle !!

J’attrape mon verre et l’enfile, sa copine fait pareil et Gaëlle aussi.

(G) La masturbation compte right!?

Gaëlle prend la suite :

(G) Je n’ai jamais été fouettée.

Cette fois, Jade et tous les habitants de la maison enfilent leur verre, à l’exception de Roxanne.

Roxanne regarde Jade en souriant. Elle a le visage espiègle, les pommettes saillantes, un nez minuscule et les yeux qui brulent la perversion. Tous éclatent dans un rire collectif, sauf elle qui garde son air de je-le-savais face à Jade. 

(R) Je n’ai jamais eu de relations avec un partenaire du double de mon âge.

J’enfile un deuxième shot. La Tequila brule sur son passage.

(M) Et pourquoi je ne savais pas ça!  Quel âge?

(A) Quelque chose comme trop vieux pour être quantifié.

Je balance une affirmation avant qu’elle ne puisse me relancer sur ma réponse vaporeuse.

(A) Je n’ai jamais été rémunérée pour un service sexuel rendu.

Personne ne prend une gorgée.

(J) Je n’ai jamais eu de relation sexuelle extraconjugale.

Maxime avale son verre automatiquement, de même que pratiquement tout le monde autour de la table. Son mari n’a sagement pas touché au sien. Sa question m’a rendue inconfortable. Est-ce qu’elle est au courant? Je ne lève pas mon verre même si je le devrais pour plusieurs raisons.

(M) Tu es déjà trop saoule ou tu es encore sur ta lune? Niaises-moi que tu n’as jamais fait ça!

Jade a les yeux rivés sur moi. J’attrape mon verre et je l’enfile. Puis je tends la main juste à côté sur celui de son mari et je le bois d’un trait également.

(A) Rendu là, il n’y a pas assez de tequila ici pour m’accoter dans mes vices. J’arrête de jouer ou on aura vite plus de fun personne.

Il sourit. Je lui ai sauvé la face et j’ai mangé la claque. N’importe quoi pour les protéger, inutilement, toujours et tout le temps. Comme si mon ego se plaisait autant à posséder leur sperme que leur secret. Comme si être une salope discrète m’élevait à un niveau supérieur. Comme si j’en étais moins sale.

Gaëlle et sa copine décident de quitter. Clairement, à voir leurs yeux pétillants, elles auront une jolie fin de soirée. Au moment où je me lève pour les saluer, je réalise que l’alcool a davantage claqué que je ne le pensais. On s’installe tous au salon et Maxime prends la parole :

(M) Alors, comme ça tout le monde ici aime se faire fouetter?

Ils éclatent tous de rire.

(M) C’est comme ça qu’on va terminer la soirée?

(R) Est-ce que t’aimerais ça?

Elle ne prend pas le temps de répondre puisqu’elle reçoit une notification sur son cellulaire. D’un coup, le sourire lui fend le visage et elle annonce son départ.

L’alcool a bouffé mes inhibitions, encore une fois. Les mots vont plus vite à se jeter hors de ma bouche qu’à tourner dans ma tête et je reprends la conversation là où elle a été délaissée.

(A) C’est tellement pas mon univers, moi le BDSM.
Je ne comprends pas trop le projet. Je regarde ça de loin, mais je ne comprends rien du feeling.

Sur mes mots, Roxane se lève et se déplace vers moi. Elle dégage les cheveux de mon visage d’une main et frôle ses lèvres aux miennes. Son souffle alcoolisé me fait envie. Elle me fait languir l’espace d’un instant, tout juste assez pour que j’en soi quémande, mais bien dosé pour que je n’aie pas le temps de me questionner. Sa bouche est chaude et contrôlée. Je m’y perds aisément. Mais rapidement elle se retire à moi et recule de quelques pas. Elle me fait signe de me lever. Je m’exécute. Toutes deux au milieu du salon, je suis assoiffée d’un prochain baiser, elle est en contrôle. Faute de place, Jade est assise sur son mari tout juste à côté. Ils sont là à nous observer. Je me demande s’il a la queue bien bandée sous son cul sage. Le présumé copain de Roxane nous regarde également. J’ai l’impression qu’il n’y a pas que moi qui sois en attente. Ne pas être saoule, je serais sans doute intimidée, mais sans inhibition, je suis surtout mouillée. J’ai soif, soif de ses lèvres foncées et des coups de langue qu’elle pourrait me donner.

(R) Mets-toi à genoux.

Perplexe, je ne peux m’empêcher de la questionner.

(A) Pourquoi?!

(R) Fais-moi confiance. Ça va aller. Je veux simplement te donner un morceau du casse-tête.

Je m’exécute et pose les genoux au sol avant de m’asseoir sur mes pieds. Elle passe derrière moi et se met à m’encercler de ses pas.

(R) Pas comme ça : colle tes genoux.

Son ton est froid, dépourvu de toute la douceur qui l’habitait jusqu’ici.

(R) Tiens-toi bien, tiens-toi belle et bien droite.

Je replace mes genoux et mon dos à sa convenance, rien qui ne fasse de sens. Mais j’obéis et je lève la tête pour la suivre des yeux.

(A) Non Alexine. Je veux que tu regardes devant toi.

Elle défait le ruban de satin noir qu’elle avait au poignet et le passe sur mes yeux pour le nouer derrière ma tête. C’est l’obscurité. Le noir complet. Autour les autres sont silencieux. Sans doute aussi intrigués que moi par ce qui est en train de se passer. Quoiqu’ils y sont peut-être tous habitués.

Elle continue de m’encercler. Je ressens la vibration de ses talons hauts qui cogne sur le plancher. Son pas est irrégulier et j’en attends chaque claquement intriguant. Sa main passe sur une épaule, le haut de mon dos, puis sur l’autre. Elle tourne jusqu’à ma gorge et relève mon menton vers le haut.

(R) Retire ton haut.

J’obéis. Mon t-shirt quitte ma peau, rien d’autre ne couvrait mes seins. Je suis à demi nu et tout ce que je veux c’est une autre indication de se part, lui donner ce qu’elle demande pour voir ce qu’elle m’offrira.

Sa main continue de m’effleurer sans prévenir, passant d’une caresse à des ongles irritants, à la douceur de nouveau, à plus rien du tout… que l’attente et le vide qui me fait frissonner de crainte que ce soit la fin.  Puis il trouve mon sein tendu. Inconsciemment, ma respiration se bloque pour mieux ressentir son geste. Elle prend mon mamelon entre ses doigts et le tire violemment. Elle le tord suffisamment fort que j’y prenne du mal, puis elle le relâche d’un coup. La sensation du sang qui revient y prendre place est exaltante. Elle marche à nouveau. Putain que je suis excitée. Ça ne fait pas de sens, je suis là comme une chienne sur mes genoux, la position est inconfortable, mais mon corps s’humidifie intensément. Je suis là depuis plusieurs minutes maintenant et je commence à rondir le dos.

(R) Redresse-toi.

Aussitôt, je replace mon dos très droit et je pose mes mains sur mes fesses pour l’arquer davantage. Elle se penche derrière moi et griffe mon dos du haut de mon jeans jusqu’à ma nuque. C’est le noir. Je ne vois toujours rien de ce qu’elle fait. Tous mes autres sens sont en attentifs. Aussi impatiente qu’excitée, j’attends ce moment où je pourrai enfin découvrir mes yeux et reprendre ma liberté. Mais non. Rien.

(R) Debout maintenant.

Je m’exécute. Elle m’embrasse de nouveau et défait mon jeans de ses mains. J’ai l’impression d’être littéralement pendue à ses lèvres.

(R) Montre-moi combien tu es gentille.

Elle plonge sa main sous le tissu pour y rejoindre ma fente. Je suis trempée, pas juste mouillée : trempée, complètement. Elle ressort la main.

(R) Lèche-toi.

Dans ma tête, il n’y a étonnamment pas une parcelle d’opposition. Je passe ma langue sur ses doigts humides.

(R)Qu’est-ce que ça goûte?

(A) Le miel.

Elle m’embrasse pour y goûter à son tour.

(R) Tu as raison.

Est-ce qu’elle est excitée? Ne serait-ce qu’un peu? Je suis incapable de le dire ou de le ressentir. Sa retenue et son contrôle sont déroutants. Je les excite tout le temps et facilement. Mais elle, elle s’en fout. D’un coup, elle me fait encore plus envie. J’en ai envie aussi fort mentalement que physiquement. Mais je la sens s’éloigner.

(R) Ok, prends-la.

La queue bandée d’un homme se colle sur le bas de mon dos. Il est dur comme s’il s’était branlé tout ce temps.

(Présumé copain) Tu es ok.

Je comprends qu’il s’agit de son homme. Je ne dis rien et me libère de mon jeans. Sans s’annoncer d’un doigt, il m’enfile sa verge. Au degré de mouille qui me fait reluire, elle s’enfonce sans aucune friction. Ses mains sont sur mes hanches et sa nouvelle queue me pénètre à répétition. Rapidement, je sens mon corps frémir sur le sien. Immobile en mon fond, il se retire et me laisse profiter de mon orgasme. Je pose ma tête sur sa clavicule par-derrière. J’ai les jambes molles, je pourrais m’effondrer au sol, mais je veux le sentir terminer et surtout sentir sa coulée. Il se retire à moi.

(A) Hey, tu ne viens pas toi?

(Présumé copain) Je n’ai pas le droit.

C’est donc elle la chef de meute.

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