Choisir de ne plus façonner la création, mais de se laisser façonner par elle.
Se soumettre à l’Œuvre plutôt que la contrôler. Laisser la création redevenir instinct, pulsation, matière. Ce texte explore la tension entre le féminin, le désir et la vérité de ce qui veut naître à travers soi.
J’utilise toujours un langage très genré. Mes textes sont, à 95 %, des histoires de femmes sensibles attirées par des hommes solides. Je couche des milliers de mots sur papier pour raconter comment de gentilles chattes se laissent pénétrer par le symbole archaïque de la masculinité.
Actuellement, j’écris les deux premiers tomes d’une grande série érotique et, dans le processus, je me questionne souvent :
Emily Nagoski l’a écrit : même le désir a sa culture.
Et parfois, je me demande si j’écris le mien ou celui qu’on m’a enseigné à désirer.
- Est-ce de l’égoïsme quant à ma propre préférence?
- Est-ce que je contribue à conditionner le désir plutôt qu’à le libérer?
- Est-ce que je perpétue une hiérarchie des rôles ou j’en expose la dépendance?
- Ou est-ce que je rends hommage à quelque chose de plus ancien, de plus viscéral, quelque chose que notre culture n’arrive plus à nommer?
Le principe femelle
Une des choses que j’apprécie le plus dans cette vie, dans ma vie, c’est être une femme. J’adore la douceur, la profondeur et le pouvoir créateur du principe femelle, dans la nature, chez les bêtes, chez les humains.
J’aime ce que ça exige, ce que ça attire, ce que ça détruit. Et je choisis de révérer cette préférence-là que j’ai. Cette essence que je porte, par le fruit du hasard, du corps, de la biologie, d’un code cellulaire qui a décidé de se reproduire ainsi.
J’ai été crée femme.
Je suis née femme.
Je suis femme.
Jamais je n’en ai douté.
Mais je sais que, pour d’autres, c’est plus complexe.
Quand j’essaie de le considérer en tentant des textes plus inclusifs, il y a quelque chose qui se refroidit. Bizarrement, l’inclusion devient générique. À vouloir faire sentir le monde, quasi tout entier, accepté, j’efface ma propre polarité. L’écriture devient prudente et aseptisée.
J’attire des femmes comme je suis : des femmes très femelles dans leur essence.
Elles sont, je suis, aussi destructrices que créatrices. Je n’attire pas la préservation. En fait, je ne supporte pas la préservation : elle me dégoûte. C’est d’ailleurs pour cela, je sens, que vous me suivez, puis partez, puis revenez… à répétition, par cycles, par mouvement, par essence même de la nature.
La connexion.
L’aversion.
La passion.
Aussi peu stratégique que ce soit d’un point de vue d’affaires, je ne cherche pas à préserver le lien entre nous. Je ne le prends pas pour acquis, mais je refuse de le protéger. Je refuse de trahir la force des choses, face au risque de les perdre.
L’art n’est pas le reflet d’une quête de culture
Mes écrits, mes mots, mes choix dans l’art n’ont pas à endosser les croyances d’une société en quête de sens. Ils ne sont pas nécessairement, ou peut-être sont-ils complètement, le reflet de ma propre acceptation de la multiplicité des genres et des perceptions.
N’empêche, l’Œuvre n’a pas à tout représenter. Elle ne doit rien.
Celle qui me traverse actuellement et que je me dévoue depuis des mois à faire traverser du royaume de l’imaginaire à la densité de la matière est archi-genrée. Elle est aux limites toxiques des dualités.
Et même si j’ai la crainte, par instant, d’être jugée prophète d’une sexualité révolue ou tordue, empreinte de pouvoir et de désir conditionné, c’est ainsi que l’Œuvre existe. Elle est. Et j’ai choisi de ne pas l’altérer, parce que …
- Je crois que les histoires existent dans une dimension autre que la nôtre.
- Je crois que les artistes savent voyager entre ces mondes.
- Je crois que les autrices sont responsables de les traduire ici, sans les censurer ni les diluer.
Par-delà mes croyances et ma personnalité, je sens que l’Œuvre est. Et c’est dans son essence pure que je me suis engagée à la rendre concrète… quitte à me faire canceller.