Il y a des actes qui transforment.
Des gestes qui ne se contentent pas d’être vécus, mais qui laissent une trace.
Des moments où l’on se donne, sans savoir ce qui va nous revenir en échange.
Le sexe en fait partie.
L’écriture aussi.
Il y a dans ces deux actes un point de rupture, un passage initiatique.
Un instant où l’on quitte la maîtrise pour entrer dans l’expérience pure.
Le corps ne sait plus s’il guide ou s’il est guidé.
Les mots ne savent plus s’ils sont écrits ou s’ils écrivent celui qui les trace.
Et au fond… qu’est-ce qui marque le plus?
Ce que l’on vit ?
Ou la manière dont on s’en souvient?
•••
Il y a toujours ce jeu.
Ce va-et-vient entre prendre et être pris.
Dans la sexualité.
Dans la création.
Dans tout ce qui nous dépasse et nous traverse.
On croit souvent que l’on contrôle, que l’on choisit, que l’on décide.
Mais dans les instants les plus vrais, on sent bien que quelque chose d’autre s’invite.
Quelque chose qui nous pousse à lâcher prise.
Là où le plaisir s’intensifie.
Là où l’écriture devient fièvre.
Là où l’on s’abandonne à ce qui nous dépasse.
Il n’y a pas de création qui ne contienne pas une part de dépossession.
Comme si l’ombre derrière nous prenait le relais.
Comme si les mots n’attendaient que la faille pour surgir.
Comme si le corps n’attendait que la brûlure pour s’ouvrir totalement.
•••
L’écriture, comme le sexe, est une trace laissée sur un espace vierge.
On y inscrit une tension, une présence, un souvenir.
On s’y grave, on s’y projette, on s’y livre.
Mais ce qui se joue vraiment, ce n’est pas l’acte lui-même.
C’est l’écho qu’il laisse.
Le désir, une fois consommé, existe encore dans l’empreinte qu’il a laissée sous la peau.
Les mots, une fois écrits, continuent d’habiter ceux qui les lisent.
Dans les deux cas, il y a un avant, et un après.
Et parfois, ce qui marque le plus…
Ce n’est pas l’instant du contact.
C’est le vide qu’il laisse après.
•••
Pourquoi repousse-t-on toujours un peu plus loin?
Pourquoi y a-t-il cette fascination à tester ce qui nous échappe?
Dans le sexe comme dans l’écriture, il y a un point de bascule.
Un moment où on s’approche de la limite, où l’on flirte avec l’inconnu.
Et c’est là que l’intensité surgit.
Quand on s’abandonne totalement au plaisir, jusqu’à en perdre la raison.
Quand on s’immerge totalement dans l’écriture, jusqu’à ce que ce soit elle qui prenne le contrôle.
Jusqu’à ce que ce ne soit plus nous qui écrivons…
Mais quelque chose en nous qui écrit à notre place.
C’est une transcendance.
Un état où le corps et l’esprit se dissolvent dans quelque chose de plus vaste.
C’est pour cela que certains ne jouissent vraiment que lorsqu’ils flirtent avec le danger.
Et que d’autres ne trouvent leur vérité que lorsqu’ils écrivent à même leur propre vertige.
•••
L’écriture comme le sexe demandent un sacrifice.
Pas dans la douleur.
Mais dans la dépossession.
On offre quelque chose de soi.
On laisse quelque chose derrière.
Et il n’y a pas de retour en arrière.
Certains s’inscrivent dans la chair.
D’autres s’inscrivent dans les mots.
Mais au fond…
Quelle est la différence?
Les deux marquent à jamais.
Les deux transforment.
Et les deux, quand ils sont vécus pleinement,
deviennent quelque chose de plus grand que nous.
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