La Taverne est pratiquement vide. Il faut dire que peu de gens semble adopter notre routine hebdomadaire du mardi soir. La place est calme et ne rassemble que quelques habitués. Tous plus imbus d’eux-mêmes et de leur tristesse les uns que les autres. Ils ne parlent que pour s’écouter et n’écoute que pour pouvoir répliquer. Il n’y a que nous, à mon sens, qui affichent un semblant de normalité.
De loin, nous paraissons sans doute aussi étrange que l’ensemble. D’un côté Maxime, ses grandes jambes habillées de noir moulant, son teint de porcelaine et ses cheveux noirs comme la pluie qui couvrent toutes ses épaules. Elle sied là, aux côtés de Jade, jolie miss parfaite au grand cœur et aux yeux ronds emplis de douceur. Des perles décorent ses oreilles et une petite chaine auquel s’accroche un cercle d’or jaune pend à son cou, un cadeau de son homme. Et de l’autre côté, Gaëlle, un peu en retrait, le septum percé d’un fer à cheval, les cheveux clairs toujours un peu éméchées et serrés par un bonnet gris. Un t-shirt à l’encolure trop grande dégage son cou et son épaule, de façon aussi non chalande qu’attirante. Et il y a moi, les cheveux colorés, un peu bohème, un brin solitaire, un peu en décalage et trop souvent lunatique qui se joint au groupe.
(Maxime) Hey Lexie!
Assieds-toi, tu as deux verres de retard sur moi déjà!
(Alexine) Haha! J’en aurai toujours une couple de retard sur toi, peu importe l’heure de mon arrivée.
J’attrape le verre vide qui m’attendait sur la table et je me verse un verre de sangria.
(A) De quoi étiez-vous en train de parler?
(M) Du nouveau (et très sexy) patron de Gaëlle.
Fidèle à elle-même, Jade adoucie les envolées de Maxime.
(Jade) Arêtes de t’exciter, personne ne l’a vu encore!
(Gaëlle) C’est qu’en rencontre d’équipe hier, on nous annoncé l’arrivé d’une nouvelle personne. Un gestionnaire, il commence demain.
(A) Ah oui, ça va faire du bien à votre équipe non? Il me semble que ça fait un moment que vous êtes sans leader.
(G) Tu as raison. J’ai hâte de voir.
(M) De LE voir tu veux dire!
(J) Lourd, tu n’en manques pas une.
Quel est son nom? Avez-vous eu le temps de fouiller sur les réseaux sociaux un peu?
(G) Charles Arseneault.
Mais je pense qu’il y est discret, les collègues ont cherché. Tout ce que je sais, c’est qu’on a vanté sa beauté en réunion. Mais bon, pour ce que cela peut me faire, tant qu’il est moins rushant que Danielle.
(M) Haha c’est parfait tu sais, ça en ferra plus pour nous. J’ai entendu les mêmes commentaires dans la salle à diner.
(A) Imaginer un peul’inverse : une nouvelle cadre qui serait annoncée et les hommes agiraient comme nous à l’instant. Ils se feraient hurler dessus d’oser discuter de la largeur de ses fesses plutôt que de la longueur de son curriculum vitae.
(J) Je pense que c’est juste un fantasme collectif féminin de faire l’amour avec son patron. Ça nous rend un peu abruties parfois.
(G) Un fantasme collectif? Réellement?
(J) Oui, un classique!
Je veux dire, je n’oserai jamais dans les faits. J’aurais peur des problèmes qui en découleraient, des malaises en rencontre, des ouï-dires. Mais j’admets que l’idée est rafraichissante, je serais sans doute plus heureuse de me rendre au bureau le matin disons, considérant bien sûr que je sois célibataire.
(M) Haha ! oui, une belle motivation à se rendre au travail. Sans rire, c’est aussi quelque chose qui m’allume, ne serait-ce que pour le plaisir de conquérir, pour l’interdit et le secret qui entourerait tout cela.
(J) Vous m’excuserai les filles, mais je vous laisse à vos fantasmes. Mon mari est à l’extérieur et le chien est seul à la maison. Je vais aller m’occuper de lui un peu.
(A) Contente de t’avoir vue Jade.
(M) Mardi prochain?
(J) Fidèle.
Jade se lève et quitte le bar. Gaëlle la suivi des yeux avec envie et sans gêne.
(G) Ah pourquoi est-elle si coincé sur les hommes elle déjà?!
(M) Haha! Tu as les deux amies les plus ouvertes qui soit et tu ne fait que penser à la troisième que tu ne peux avoir.
(G) L’humain est ainsi fait, non?
Et toi Lexie, baiserais-tu ton patron?
(M) Jolie diversion Gaëlle.
(A) J’en sais rien. Ce n’est pas un fantasme qui m’habite. Mais comme tu le disais Maxime, le plaisir de le conquérir est allumant. La fierté d’avoir renversé son autorité et de s’être assise sur son pouvoir doit être assez enivrante. Je ne sais pas.
On termine le pichet qui trône aux côtés de nos cellulaires respectifs sur la table avant de quitter chacune de notre côté. Je marche vers la maison, la ville est calme, silencieuse. Ce silence m’est dérangeant et je cherche mon cellulaire au fond de mon sac. J’y branche mes écouteurs avant de réaliser qu’il est verrouillé. Ce ce n’est pas le miens, c’est celui de Gaëlle.
En arrivant, le lendemain, je modifie un peu mon trajet jusqu’à son espace de travail pour échanger nos appareils. Elle n’est pas à son bureau, mais elle est tout près. En fait, tout son département y est attroupé. Je m’approche discrètement, dans l’espoir qu’elle me voit. Mais je me fait prendre à plonger les yeux vers le centre de toute cette attention.
Je ne sais pas trop si c’est l’illusion de pouvoir que son habit luxueux m’inspire ou la lueur d’enfant rêveur qui perce timidement la grisaille de ses yeux, mais je ne peux m’empêcher de l’observer. Grand, svelte, droit, il parle avec autant d’aisance que d’envie, cherchant à attirer le regard de tous ceux qui l’entourent. Ces mots défilent, mais je n’en reçois que la musique, trop occupée à l’analyser pour apprécier son discours. Ses traits me paraissent impeccables, un dessin savamment étudié. Des poils bien domptés équilibrent son visage et tracent sa mâchoire masculine. Les quelques-uns qui ont blanchis déjouent sa peau lisse et lumineuse. Il a la fin trentaine début quarantaine, peut-être. Je dessine mentalement le pourtour de ses lèvres rosées de mon index. Elles me semblent douces, chaudes.
Une main touche mon épaule et m’extirpe de mes pensées. C’est celle de Gaëlle qui me sourit largement. Elle sort mon téléphone de sa poche. Je lui tends le siens. Je m’éloigne sans déranger le groupe en jetant un dernier coup d’oeil au nouveau.
À mon bureau, je le branche avant d’ouvrir mon ordinateur et de lancer ma journée. Mon téléphone chargé reviens à la vie et je reçois aussitôt un texto de Gaëlle.
Intriguée, je cherche ce qu’elle a bien pu faire. Je réalise rapidement qu’elle a utilisé l’appareil photo. La connaissant, je n’ose pas regarder. Je n’ai aucune intimité ici, mon espace de travail est adjacent à celui de tellement de gens. Autour, tout le monde semble affairé à sa tâche. Intriguée, j’ouvre la première photo qui la montre debout, vêtue uniquement de son t-shirt trop grand. Son épaule est entièrement dénudée. Le vêtement recouvre tout juste le haut de ses cuisses. Ses jambes sont exposées, entièrement. Encore plus intéressée, je glisse la photo vers la suivante. Elle y est assise en tailleur, les jambes nues. L’angle de la photo ne donne qu’une seule envie, celle d’y poser les lèvres remontant sa peau de ses genoux jusque sous son t-shirt.
Je poursuis. À nouveau debout, elle a roulé et attaché le bas de son chandail, découvrant son ventre. Des souvenirs de sa chaleur et de la texture de sa peau viennent peupler mes pensées. Je retire mon soulier, remonte mon pied et le pose sur ma chaise avant de m’y rasseoir. L’image suivante ne la montre qu’en culotte. La peau à découvert et son avant-bras couvrant le haut de ses seins. Un frisson envahi mes souvenirs, me rappelant combien j’ai pris plaisir à les lécher. Allumée, je joue des muscles de mes fesses pour faire bouger mon corps sur mon pied. La pression qu’exécuter l’os de ma cheville sur mon entrecuisse ne fait qu’accentuer mon envie.
Je glisse à la prochaine photo avec excitation. L’angle de son autoportrait montre le bas de son visage, ses lèvres pulpeuses entrouvertes prêtes à être embrassées et un sein de tout évidence bien excité par la pointe que prend son mamelon. Elle me donne envie. L’arrogance de ces images et la déception de ne pas avoir pu en profiter me font vibrer. À la vue de sa nudité, je sens mes propres seins tendus sous mon soutien-gorge. Je n’ai qu’une seule envie, celle d’y glisser la main pour les palper. Mais je ne peux le faire discrètement ici.
Je me résous à me contenter de ma cheville en glissant de nouveau mon index sur l’écran de mon téléphone pour y gagner une seconde photo mettant en valeur sa poitrine. Cette fois on y voit son visage, ses cheveux en bataille et sa main palpant son sein. Elle est belle, sexy et assumée. La chaleur grimpe en moi. La photo suivante m’expose sans gêne sa fente humide. Elle l’écarte de ses doigts pour que je puisse encore mieux m’imaginer y insérer ma langue. Je glisse frénétiquement sur la suivante, encore sa chatte qu’elle m’offre, d’un peu plus près, son doigt qui y entre. Je suis excitée, au mauvais moment et au mauvais endroit. N’en pouvant plus je lâche une main sous mon haut. Je laisse mes ongles égratigner la dureté de mon mamelon.
Mes doigts sur ma peau, je passe à la suivante. Elle est sur son lit, les genoux bien enfoncés dans son matelas. Un jouet prêt à être inséré dans sa fente. Ses cuisses fines, son mont et le bas de son ventre plat bien exhibés aux côtés de cette fausse queue que j’imagine déjà la remplir. J’ai envie de la voir onduler sur cet objet. Je n’en peux plus de languir. Je passe mon doigt sur mon téléphone pour quérir la photo suivante, mais j’en récolte plutôt une vidéo. (!!) On l’a voit remonter et glisser le long de cette hampe de caoutchouc. Fuck! Ça me tue. J’entends encore ses gémissements dans mes oreilles, le souvenir est bien clair. Ma poitrine ne rêve que d’être léchée, trempée de sa salive et frôler par ses cheveux. Je fais osciller mon bassin encore et encore sur ma cheville. Ma chatte frétille. Je ne rêve que d’aller la coller à celle de Gaëlle et de prendre ma place au bout de ce jouet.
Sa vidéo se termine et j’en reviens à moi une seconde réalisant la position dans laquelle je suis. Je retire ma main en prenant un respire dans l’espoir de redescendre mon envie. Essayant de me calmer avant d’en être réduite à devoir aller en salle de bain, pour posséder mon corps de mes doigts et enfin reprendre contrôle sur moi.
La voix d’un homme me fait sursauter. Je lève la tête sur le haut de mon cubicule. C’est lui, le nouveau, Charles. Surprise, j’ai l’impression que mon visage me trahis.
(C) Excuse-moi d’apparaitre comme ça dans ton espace, je ne veux pas te déranger et je réalise que c’est un peu intrusif de ma part. Je… j’ai une rencontre en salle de conférence 13-B et je suis tout simplement perdu sur cet étage. J’ai fais le tour deux fois et vraiment je ne trouve pas.
Intrusif? Il a sans doute vu ma main. J’ai le sourire en coin d’une gamine qui s’est fait prendre et l’impression de rougir instantannément. Je ne sais trop si c’est l’excitation qui me fait perdre raison, mais j’ai l’impression qu’il m’a déjà gagné; qu’il a déjà exposé mes faiblesses.
Je me lève de sur ma cheville. Le fond de mon pantalon est humide, j’en suis aussi gênée qu’excitée. Je remets mon soulier et l’invite timidement à me suivre vers la salle.
Il me remercie en appuyant son regard sans gêne au fond du miens qui cherche désespérément à fuir le sien. Il entre dans la salle et se retourne, le sourire en coin de sa bouche aux lèvres parfaites.
(C) Au fait, je m’appelle Charles. Toi?
(A) Alexine.
(C) Enchanté.
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