J’essaie d’écrire, mais je n’y arrive pas. Les lettres ne s’alignent pas et les mots ne se placent pas. J’efface tout ce que je crée. Je détruis tout ce que j’écris. Comme si mon cerveau refusait de se laisser aller. Il n’y a plus d’espace. Ce n’est pas que j’ai arrêté de fantasmer et encore moins de penser, mais l’énergie et l’envie coule mal de ma tête à mes mains. Mon cerveau est trop plein, embourbé par de fausses nécessités. Le bureau, les trucs à payer et le sexe qui commence à me manquer. Et pourquoi est-ce que Charles ne m’a pas rappelé? Irritée par mon incapacité, je claque l’écran de mon portable, comme si passer ma colère à un objet inanimé allait m’aider à la gérer.
Je fixe le vide un bon moment. Il reste silencieux et je sens un fond de colère gagner doucement sur mon contrôle. Je déteste ça. Je n’aime pas que quoi ce soit prennent toute la place ainsi, insidieusement. Alors, je laisse tout tomber et j’attrape mes souliers de courses. Il y a les Foo qui hurlent dans mes oreilles alors que je monte et descends à répétition les 178 marches de l’escalier de bois. Je ne sais pas précisément ce qui me déséquilibre autant en ce moment, mais à défaut de pouvoir jouir sur une queue pour me recentrer, l’exercice m’aide à me replacer. Je ne suis pas une grande athlète, ni même une fille sportive. En fait, je ne bouge que par égocentrisme, pour mieux paraître et pour lutter contre mon instabilité.
La nuit est tombée, autour, tout est noir, c’est froid, vide, silencieux et j’aime ça. En dedans, c’est souffrant, lourd et pesant. J’ai le coeur qui claque trop vite, je suis complètement essoufflée et j’ai le mal qui me brûle les jambes… mais j’adore ça. Je reprends le chemin de la maison en savourant chaque parcelle de ma douleur. Elle était méritée.
Je balance mon leggings et m’installe à nouveau derrière l’ordinateur, les cuisses exposées et détrempées par ma sueur maintenant froide. Je porte les doigts à mon clavier, mais rien ne vient. Le silence murmure encore aussi fort. Aussi bêtement qu’une gamine de 17 ans, j’ouvre mes médias sociaux pour partager mon mécontentement. En privé, les tentatives masculines de m’inspirer commence à défiler. Un paquet d’inconnus qui partagent leur temps à essayer de découvrir ce qui est voilé, de me guérir ou de me consoler, comme si j’avais besoin d’être sauvée ou illusoirement aimée. Tout ce que je veux actuellement, ici, là et maintenant, c’est d’être baisée et me sentir délivrée.
Tous aussi prévisibles, rarement je ne leur réponds. Mais il y a cet humain-là, qui au lieu de faire semblant de s’informer de ma vie, s’est introduit avec un sourire en coin.
Pendant qu’on échange une série d’emojis, je visite son profil Facebook au nom épicène. Avec l’intention de m’assurer qu’il ne s’agit pas d’un psychopathe, je fouille sa vie virtuelle comme si elle pouvait m’apporter une quelconque vérité. Aucune photo, ni rien qui me permettent de définir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme.
(Alexine) Qui est-tu?
(Humain derrière son écran) Est-ce que cela a vraiment une importance?
(A) Pas tellement, non.
Et puis, je ne sais pas trop ce qui s’est passé, mais la conversation a continué sur son erre d’aller, en pensant par son interprétation de mes textes et des hommes qui partagent à l’occasion mon lit, pour finir avec un :
(H) Est-ce que je peux t’appeler?
Et là j’ai arrêté de me laisser aller. Pourquoi vouloir une voix? Pourquoi ne demander que ça?
(A) Pourquoi?
(H) Pour jouer.
Perplexe, je n’ai rien répondu. Je lui ai donné le silence, comme je le fais chaque fois que je me sens confrontée ou désorganisée.
(H) Je ne vais pas t’approcher, je veux simplement jouer avec ton imaginaire… Comme tu le fais avec nous, sur chaque texte, sur chaque mot que tu installes dans nos pensées.
J’ouvre ses messages, mais je ne réponds rien. Évidemment la mention lu trahi ma curiosité. Je ne m’engage pas. Je ne recule pas. Je reste là, fixée, à analyser. Le téléphone sonne via l’application. Je réponds sans prononcer un seul mot.
(H) Bonsoir Alexine.
La voix n’est ni grave, ni aiguë, ni masculine, ni féminine, mais chaude et posée. Je suis intriguée et je dois avouer intéressée.
(H) Prenons pour acquis que tes silences sont des approbations.
(A) D’accord.
(H) J’aimerais que tu t’installes confortablement, sur ton lit, en pleine noirceur.
Je me lève doucement, comme si j’avais peur d’être entendue. Je marche jusqu’à ma chambre. Mes pieds toujours en chaleur de ma course trace le plancher de bois qui craque sous mes pas. Je ferme le rideau et je grimpe sur mon lit.
(H) Tu y es?
(A) Hm, hm.
(H) Ne parles pas, déposes ton téléphone à ta gauche et active le haut-parleur.
Ce que je fais.
(H) Maintenant, déshabille-toi.
J’arrache les bas trempés de mes pieds. Puis, je retire mon t-shirt et le haut de sport. La sueur froide est collée sur ma peau. Je passe la main sous l’élastique de ma culotte, hésitante à la retirer.
(H) Complètement.
Comme s’il pouvait me voir, il devine mon incertitude. Suis-je à ce point prévisible? Je me déshabille complètement et puis j’attends, un très court instant qui m’apparait plutôt durer longtemps. Le fond de rage inexpliquée qui m’habite depuis quelques heures déjà tolère maintenant de partager son espace avec l’anticipation.
(H) Je veux que tu penses à ton collègue, Charles. Je veux que tu poses ta main sur ta peau et que tu la fasses réagir comme lui le ferait s’il avait contact avec toi.
Aussi désorientée qu’intriguée, ma main obéie. Le bout de mes doigts touche le bas de mon ventre timidement, sans force, mais avec intérêt. Ma peau réagit et le frisson la fait boursoufler.
(H) Maintenant, remonte cette main à tes seins et l’autre aussi. Enveloppe-les de tes paumes chaudes. Je veux que tu les presses sans les écraser. Je veux que tu ressentes ton envie gravir ton corps.
Sa voix est assumée et contrôlée. Je m’avoue un peu excitée par le jeu et je fais ce qu’il me dit.
(H) Passes un doigt à ta bouche Alexine, puis fait tourner la salive sur ton clitoris.
Je couvre mes doigts et je descends ma main sous le bas de mon ventre. Mon majeur mouillé tourne sur moi, éveillant mes sens. Je débute ma masturbation doucement, comme il me le dit. Je ne sais pas si je suis plus gênée ou excitée, chose certaine je suis intéressée.
(H) Alexine.
Je n’arrive toujours pas à discerner de quel sexe est cette voix. Qu’importe, je choisis de la laisser me guider
(H) Maintenant, je veux que tu penses à ton ami, photographe, barbu, tatoué… celui qui te claque et qui te rough dans tes histoires. Ta main devient sa main, penses à lui, penses à sa force sur ta douceur.
Je souris, attisée par sa nouvelle demande. Mon majeur glisse de mon clitoris jusqu’à l’entrée de mon vagin. Je récolte toute la mouille disponible pour la porter à ma bouche. Puis, je plonge deux doigts en moi. Mes yeux sont clos et je l’imagine entre mes cuisses à s’exécuter pour moi, à me pénétrer et à m’enfoncer de ses doigts.
(H) Imagine-le s’enfoncer en toi, brutalement, sans attendre le mouvement de tes hanches. Pousse tes doigts en toi et penses à sa grosse queue. Imagine-le te pénétrer jusqu’au fond, fort, sans précaution. Imagine-le te dire qu’il avait hâte de te défoncer. Imagine-le retirer sa bite pour te claquer.
Ses mots tout à coup sauvages et brutes m’excitent à un autre niveau.
(H) T’aimerais ça qu’il te prenne comme ça hein? T’aimerais bien qu’il te claque comme si tu n’en valais pas la peine.
Mon souffle se perd, il s’accélère, se saccade, se casse… Mes doigts que je voudrais les siens massent mon point G, jusqu’à en frôler ma jouissance.
(H) Reviens à Charles maintenant. Détends toi. Garde tes yeux clos. Il est sur toi. Imagine-le en toi. Penses à toute la chaleur de sa peau qui emplit la tienne. Il est sensuel. Il t’embrasse langoureusement. Ses lèvres couvrent les tiennes. Sa langue glisse autour de la tienne.
Sa voix lourde masse mon imagination. Mon mouvement se ralentit et ma main glisse hors de mon corps. Je suis mouillée. Beaucoup. Et excitée tout autant. Mais j’apprécie le ralentit qu’il vient de m’imposer.
(H) Imagine le te faire l’amour, doucement.
Mon doigt tourne sur mon clitoris et les images défilent dans ma tête. Attentive au moindre son de sa voix, je garde le silence, si ce n’est que pour échapper quelques gémissements. Quelques minutes passent.
(H) J’entends bien que tu t’y plais dans ses bras. Mais j’ai envie de t’entendre finir. Fais-moi plaisir et laisse ta brute reprendre sa place.
Sur ces mots, je pénètre à nouveau mes doigts en moi. Je ne peux jouir aussi bien et aussi fort qu’avec la chatte pleine. J’ai besoin d’être enfoncée, fourrée, gavée, pleine pour exploser un orgasme.
(H) Imagine-le s’agripper à tes cheveux pour t’enfoncer plus loin.
Ses mots me débordent d’images. J’en ai plein les sens.
(H) Je veux que tu tappes ta chatte, comme il le ferait avec sa grosse bite. Claque toi, comme une petite salope.
Je l’imagine me pénétrer à répétitions, m’emplir et me déborder de ce que je ne possède pas jusqu’au plus profond de mon envie. Puis me le retirer pour m’en gifler, plaisir que je me donne de ma main. Plus excitée que préoccupée du jugement de l’inconnu pendu à ma branlée, je laisse aller quelques gémissements.
(H) Plus fort que ça Alexine. Je sais que tu aimes te faire rougher mieux que ça. Donnes toi ce que tu mérites.
Je suis déjà bien attisée, mais chaque parole qu’il me donne m’enflamme encore davantage. Je porte une main à mes seins aiguillés et j’attrape mes mamelons tour à tour. Je les tire et je les pince, assez fort pour me faire mal, assez bien pour détremper ma fente. Puis, je retourne foutre mes doigts dans mon envie. J’en coule. Je me tortille. Je gémis.
(H) Tu te lamentes vraiment comme une petite garce, tu sais ça. Mais, je veux entendre plus fort. Masturbe toi encore en pensant à lui et sa queue levée.
J’attrape le cellulaire et le pose sur le bas de mon ventre. Il balance et se secoue avec les ondulations de mon corps. Mes doigts fouillent ma fente comme si elle leur était inconnue. Je claque à nouveau mon clitoris, plus fort cette fois. J’y sens tout à coup le sang pulser, j’adore cette sensation.
(H) Finis-en. Imagine-les, tous les deux avec toi.
Je me retourne aussitôt contre l’oreiller, les genoux repoussant le lit. Je l’imagine me barder aussi fort qui sait le faire en pensant au visage de Charles sous ma chatte, couvert de ma mouille et sa langue sur mon clitoris frôlant à l’occasion le membre du barbu.
Ces images en tête et la main qui me remplit le corps, j’étouffe le son de ma jouissance dans mon oreiller. Il continue de me parler pour me dire qu’il a apprécié. Toujours muette, je reviens à moi quelques secondes, avant de fermer la conversation et de bloquer la discussion.